Gestion des risques en agriculture

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Les analyses météorologiques et climatiques de ces dernières années montrent, tant à l'échelle mondiale que nationale, une augmentation significative des événements météorologiques défavorables (Organisation météorologique mondiale). L'année 2018 s''est avérée être la plus chaude jamais enregistrée après une année 2016 record. A l'échelle mondiale, entre 2015 et 2019, l'OMM estime une hausse moyenne des températures par rapport à la période préindustrielle de 1,1°C, ainsi qu'une hausse de la fréquence et de l'intensité des événements climatiques dits "extrême" (canicule, ouragans, sécheresses et inondations).

Étant donné la relation directe entre la variabilité des rendements de production et la variabilité des conditions météorologiques accentués par les changements climatiques, on peut s'attendre à un besoin croissant de gestion des risques agricoles. Le risque dit climatique affecte le niveau de production mais d’autres risques pèsent sur l’agriculture tel que le risque de marché (prix). La gestion du risque a toujours été central dans la conduite d’une exploitation agricole, mais cet enjeu est accru par les effets du changement climatique.

On distingue différents niveaux de risques qui appellent différents niveaux d’interventions :

  • Un risque fréquent et relativement faible qui appelle des mécanismes de prévention et d’auto-assurance (diversification des cultures ou du revenu, stockage/réserve financière et de produits –dans le cas du vin par exemple, solutions techniques à l’échelle de la production (filets par grêle ou irrigation pour faire face à la sécheresse).
  • Un risque modéré dont la gestion peut faire appel à des mécanismes d’assurance de marché
  • Un risque rare mais aux conséquences majeures, de type catastrophe naturelle où l’intervention de l’état peut être considéré comme nécessaire car le risque est dit non-assurable.

On peut distinguer 3 modalités d’intervention pour la gestion du risque agricole. En pratique ceux-ci se combinent :

  • Individuel (par exemple l'épargne pour précaution)
  • Collectif (voir par exemple Chartier & Lupton, 2019)
  • Politique publique

Il existe différents types d’assurance : des assurances couvrant des risques spécifiques (grêle, gel) ou l’assurance dite multirisque comme par exemple l’assurance multi-risques climatique (AMC). Les quantités (rendements) ou bien le chiffre d’affaire peut être assuré mais en pratique il y a davantage d’assurances récolte (quantité). Ces assurances peuvent être subventionnées. Un autre type d’assurance encore limitée est constitué par les assurances indicielles. Elles se développent par exemple sous forme d’assurance sécheresse pour les prairies : l’idée est que si un indicateur (météorologique ici ; mesurant la sécheresse) est atteint alors l’assuré est indemnisé.

En France les contrats d’assurance Multirisques climatique se développent depuis 2005. Environ 30% des viticulteurs sont assurés, mais on considère qu’il faudrait que 70% des agriculteurs soient assurés pour garantir un équilibre pour les assureurs. Cependant le taux d’adoption d’une assurance ne progresse que très peu et les freins à l’adoption interrogent (Voir Brunette et al. 2019).  Il existe deux types de contrat un par groupe de cultures et un pour toute l’exploitation. En Europe, grâce à la PAC les contrats d’assurance peuvent être subventionnés.

 

Il y a trois niveaux de couvertures (de plus en plus protecteurs) :

  • Un contrat socle subventionné à 65% (seuil de déclenchement et franchise de 30%) ;
  • un deuxième niveau subventionné à 45% et une franchise à 25% ;
  • un troisième niveau non subventionné qui permet la réduction de franchise.

La plupart des contrats en France seraient souscrit au second niveau.

Il existe également des fonds de solidarité : le FNGRA (Fonds national de gestion des risques en agriculture) ex- « calamités agricoles » et le FMSE (Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental) qui sont financés par la PAC et par des cotisations des agriculteurs qui permettent d’assurer une couverture publique de solidarité pour des risques déclarés non assurables.

Il faut noter que le calcul de la référence (permettant de fixer le niveau de rendements/ revenu assuré) se fait sur la moyenne olympique des 5 dernières années ce qui ne permet pas de prendre en compte les évolutions tendancielles (ce qui est cohérent avec la notion d’aléa/risque), mais qui permet de remarquer que l’assurance n’est pas un outil de gestion des phénomènes tendanciels (stress hydrique qui augmente tendanciellement et durablement).

La transition agro-écologique à laquelle l’agriculture s’attèle va engendrer le recourt à de nouvelles pratiques et d’expérimentation qui pourront avoir besoin d’un accompagnement particulier pour gérer les risques liés à ces nouvelles pratiques ou systèmes agricoles.

Références :

Brunette, M. ; Delacote, P., Koenig, Tevenart, C. Couverture du risque météorologique en agriculteur : les leçons du cas français. Information & débats- Chaire Economie du Climat. Septembre 2019. N°60

Pour aller plus loin :

Chocs climatiques : pourquoi les agriculteurs français sont-ils si mal assurés ? (theconversation.com)

Gestion individuelle et collective des risques climatiques. Retour d'expérience des pratiques des viticulteurs de Touraine (archives-ouvertes.fr)

Utiliser la nouvelle déduction pour épargne de précaution | Vigne (reussir.fr)

Détail sur la PAC et gestion des risques

Au cours des dernières décennies, le thème de la gestion des risques a également fait son entrée dans le débat européen sur la PAC. Il a reçu une attention législative au niveau de l'UE et l'approbation du bilan de santé (règlement de l'UE 73/2009) qui a offert pour la première fois aux États membres la possibilité d'utiliser, de manière généralisée, une partie des ressources financières allouées aux paiements directs pour soutenir l'accès des agriculteurs à deux types de couverture : les polices d'assurance et les fonds de mutualisation pour les dommages à la production causés par des conditions météorologiques défavorables, des maladies végétales, des maladies animales et des urgences environnementales.

C'est avec le programme en cours, cependant, qu'un soutien direct est apporté aux outils de gestion des risques avec des ressources financières dédiées, en introduisant une " boîte à outils de gestion des risques ". Avec la réforme de 2013, un ensemble de mesures mises à la disposition des États membres dans le cadre du développement rural a été créé pour faciliter l'utilisation de trois outils de couverture par les agriculteurs. En plus des facilités pour la stipulation de polices d'assurance et de fonds mutuels, un nouvel outil, l'outil de stabilisation des revenus (IST), a été introduit. Ce dernier est particulièrement innovant, non pas tant par sa formule (mutuelle comme dans le cas des fonds de couverture des dommages), mais par le fait que le risque de subir des baisses importantes du revenu de l'entreprise est couvert.

La discipline de la boîte à outils est confiée aux articles 37, 38 et 39 du règlement 1305/2013 qui définit les trois types d'intervention :

les contributions financières aux polices d'assurance contre les mauvaises conditions climatiques, les maladies végétales, les maladies animales, les infestations parasitaires (art. 37). La contribution couvre une partie du coût de l'assurance (65%) et la couverture intervient lorsque la perte dépasse 30% de la production annuelle moyenne de l'agriculteur.
les contributions financières aux fonds de mutualisation pour les maladies des plantes, les épizooties, les urgences environnementales (art. 38). La contribution couvre une partie des pertes (65%) et une indemnisation intervient lorsque la perte dépasse 30% de la production annuelle moyenne de l'agriculteur.
les contributions financières aux fonds de mutualisation pour la stabilisation des revenus - outil de stabilisation des revenus (art.39). La contribution couvre une partie de la baisse de revenu (65%) et la compensation intervient lorsque la perte dépasse 20% du revenu annuel moyen de l'agriculteur.
En Italie, on a opté pour une mesure nationale, plutôt que régionale, en finançant le programme national d'assurance en agriculture et les autres instruments, en essayant de surmonter le manque d'homogénéité et la fragmentation régionale en ce qui concerne l'accès à l'instrument d'assurance enregistrés les années précédentes.

Suite à l'approbation du règlement transitoire pour la prolongation de la PAC, dans les années 2021 et 2022, l'Union continue à accorder un soutien aux mesures incluses dans l'actuel PDRN dans les conditions du cadre actuel de la PAC. Ainsi, le financement des programmes de développement rural et du PDRN en particulier est prolongé avec l'allocation budgétaire correspondante pour les années 2021 et 2022.

En ce qui concerne les outils de gestion des risques, les dotations actuelles du PDRN pour les années 2021 et 2022 seront assurées. En outre, le règlement transitoire a modifié deux dispositions concernant les fonds de mutualisation pour les mauvaises conditions météorologiques et les maladies des plantes et l'IST (instrument général de stabilisation des revenus) permettant aux États membres d'abaisser le seuil de dommages de 30 à 20 %.

 

Fiches traduites, complétées pour la France par Nina Graveline (INRAE)


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