Le levier variétal : création ou importation de cépages et porte-greffes

Image

La vigne est cultivée dans de nombreuses régions du monde pour la production de vins, de raisins de table ou de raisins secs. Les conditions climatiques sous lesquelles on trouve de la vigne sont essentiellement celles de climats tempérés, aussi bien dans l’hémisphère Nord que dans l’hémisphère Sud. Dans l’hémisphère Nord, l‘aire de culture est limitée au Nord par les températures fraîches qui empêchent des maturités correctes des raisins et au Sud par la satisfaction des besoins en eau et par des températures hivernales élevées qui nuisent au bon déroulement d’un cycle végétatif qui comprend naturellement une phase de chute des feuilles et d’entrée en dormance des bourgeons.

Pour la production de vins, les vins les plus qualitatifs sont obtenus quand la période de maturation a lieu en fin d’été, quand les températures baissent, associée un déficit hydrique modéré. Le choix de la variété cultivée, mais aussi de son porte-greffe, et du mode de conduite sont adaptés aux conditions de sol et de climat local. Ces choix techniques se sont stabilisés au cours de l’histoire en même temps que des pratiques œnologiques pour maximiser la qualité des vins produits, débouchant sur la notion de terroir et d’appellation contrôlée.

Le changement de conditions climatiques remet fortement en question ces équilibres et le levier variétal est au centre des choix d’adaptation.

Dans un contexte on l’on veut préserver la typicité historique des vins, le premier objectif que l’on peut avoir pour une nouvelle variété est qu’elle soit plus tardive afin de retrouver des conditions de maturation fraîches, favorables à la préservation de l’acidité et des arômes des vins. On voudrait également qu’elle soit tolérante aux déficits hydriques, et apte à conserver un profil de vin équilibré, une acidité satisfaisante et un degré alcoolique raisonnable, même en cas de températures élevées pendant la maturation.

Plusieurs sources de variabilité génétique sont disponibles pour les viticulteurs, depuis la création variétale (cépage hybrides par exemple) jusqu'à l'importation de variétés originaires de régions plus au sud.

La plus facile à utiliser est la variabilité clonale au sein des variétés déjà utilisées car elle ne nécessite aucune modification réglementaire. Les collections de clones (issus de bouturages successifs) sont nombreuses et comprennent des centaines d’accessions (1). La gamme de variation pour différents caractères (précocité, taille des baies, acidité des raisins,..) est cependant très spécifique à chaque variété. Les possibilités d’adaptation sur le long terme sont cependant limitées. Dans le même ordre d’idée, plusieurs projets visent à ré-évaluer des variétés locales sont l’utilisation a diminué au fil du temps, comme par exemple dans les Pyrénées. Cette option est privilégiée en Bourgogne avec le pinot noir, principal cépage des vins rouges de l’appellation, qui présente de nombreux clones.

La diversité des conditions dans lesquelles sont cultivées actuellement les vignes fait que pour la plupart des vignobles français actuels, on peut trouver des analogues entre des conditions climatiques prévues dans le futur pour ces vignobles et des vignobles actuels à l’étranger. Cette hypothèse a conduit à la mise en place d’essais avec des variétés étrangères, (2,3) pour d’ores et déjà évaluer leurs aptitudes agronomiques et œnologiques. Des démarches similaires sont également en cours pour les porte-greffe (4).

Enfin, il est possible d’imaginer de créer de nouvelles variétés par croisement. Avec des outils de génétique on peut montrer que de nombreux cépages actuels sont issu de croisement. On peut citer, parmi de dizaines d’exemples, le Cabernet-Sauvignon, descendant de Cabernet franc et de Sauvignon ou le Chardonnay, descendant d’un croisement entre Pinot noir et Gouais. Aujourd’hui, la forte demande pour des variétés de nécessitant que pas ou peu de traitements anti-fongiques a conduit à la mise en place de programme de sélection dans tous les grands vignobles français. Les variétés de ce type déjà inscrites par l’INRAE au catalogue français des variétés (Artaban, Vidoc, Floreal et Voltis) ont ainsi la particularité de rarement conduire à des vins trop alcoolisés. Elles peuvent ainsi présenter des aptitudes à compenser les effets du réchauffement climatique. On sait par ailleurs qu’il est possible de générer par croisement des variétés tardives ou ayant des teneurs en acide tartrique élevées, dont le niveau est peu sensible aux températures pendant la maturation.

Auteur : Eric Duchêne (INRAE Colmar)

Références :

  1. Réseau Français des Conservatoires de Vigne - https://bioweb.supagro.inra.fr/collections_vigne/Home.php?l=FR
  2. IFV, 2019. Des cépages étrangers à la disposition des vignerons français. (https://www.vignevin.com/article/des-cepages-etrangers-a-la-disposition-des-vignerons-francais)
  3. Sud Ouest, 2014. Vins de Bordeaux : les secrets de la parcelle 52 https://www.sudouest.fr/2014/05/13/les-secrets-de-la-parcelle-52-1552841-2780.php
  4. Projet Greffe Adapt https://www6.bordeaux-aquitaine.inrae.fr/egfv/Ressources/Dispositifs-experimentaux/Parcelle-GREFFADAPT

Pour aller plus loin :


Relations

  • Réseau
  • Liste
  • Géographique

Contacter la personne référente : Patrice This