La gestion du sol

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L’entretien du sol est un élément important de l’itinéraire technique de la vigne. Il participe à la gestion des adventices et contribue à modifier ses propriétés hydrodynamiques et physico-chimiques, via un impact sur le développement racinaire, la capacité d’infiltration de l’eau, l’érosion et la minéralisation.

Le sol fait partie du terroir et donc fait partie de la définition d’un vin. Le sol peut être caractérisé par sa composition et sa texture. La texture d’un sol peut être définie par sa part en argiles, en sable et en limon. Elle définit si un sol est plus ou moins sujet à la battance, à la reprise en masse, à l’émiettement, ou à la rétention de l’eau (réserve utile), et oppose plus ou moins de résistance à l’avancement des outils. (Gaviglio, 2013) 

Le sol est également le réservoir de la plante, en eau et en minéraux. Les caractéristiques du sol, dont sa texture, définit notamment sa réserve utile en eau. Le climat, quant à lui, conditionne la disponibilité en eau pour la vigne au cours du millésime.  Le bilan hydrique du sol est la disponibilité d’eau pour la vigne. Il est la différence entre le bilan des entrées (pluies et éventuellement irrigations) et des sorties en eau (ruissellement, drainage, consommation de la vigne, de l’herbe et évaporation du sol.

Les enjeux autour des sols viticoles sont :

La dégradation des sols

Les dégradations engendrées par des pratiques inadaptées conduisent à une perte des fonctionnalités des sols : perte de fertilité, des capacités de support de culture, des capacités d’épuration, de biodiversité, etc.

Tableau 1 : Les risques de dégradation des sols (extrait de Gaviglio, 2013)

Principaux risques  sur les sols européens (Commission  européenne, 2006)

Situations à risque

Éléments de diagnostic

Érosion (hydrique)

·       Forte pente

·       Sols à texture légère

·       Épisodes orageux fréquents

·       Travail du sol

·       Accumulation de terre en bas de parcelle

·       Présence de ravines

·       Déchaussage des ceps

Diminution du taux  de matière organique (MO)

·       Absence d’apport et/ou de restitution

·       Érosion

·       Analyses de sol

·       Historique

Contamination

·       Non-maîtrise des intrants (problématique particulière du cuivre en viticulture)

·       Pollution accidentelle

·       Analyses de sol

·       Traçabilité des intrants

·       Mortalité des plants

Tassement

·       Travail du sol et passages en sol non ressuyé

·       Parcelles souvent engorgées

·       Texture limoneuse

·       Texture argileuse

·       Observations pédologiques 

·       Mesures de densité apparente

Perte de biodiversité

 

·       Observations

·       Analyses (plutôt réservées  à la recherche)

Salinisation

·       Zones littorales

·       Analyses de sol

·       Analyses du végétal

·       Symptômes sur vigne

Inondation et glissement de terrain

·       Zones à aléa élevé

·       Cartographies des aléas

·       Historique

Imperméabilisation

·       Vignobles périurbains

 

 

Les principaux risques sont :

  • L’érosion et la diminution des taux de matière organique limitent la capacité du sol à retenir l’eau et les éléments minéraux, avec pour conséquence une perte progressive de la fertilité du sol.
  • Les phénomènes de tassement réduisant la porosité du sol, ce qui restreint le développement et l’efficacité du système racinaire, et a de nombreux impacts sur la vie du sol. Ces phénomènes sont suspectés d’être à l’origine d’un dépérissement sur certains types de sols en région méditerranéenne. (Gaviglio, 2013)

Le tassement peut donc avoir comme conséquence une perturbation de l’alimentation en eau et en minéraux. Il peut être la conséquence du passage des engins mais aussi des labours profonds, qui ne sont pas à négliger. L’enherbement peut être bénéfique pour limiter le tassement. Quelques principes pour limiter les impacts de la mécanisation sur le tassement du sol (Gaviglio, 2013) :

  • Éviter les interventions sur sol humide : anticiper.
  • Éviter toute action systématique : raisonner pour limiter le nombre d’interventions.
  • Éviter l’ameublissement avant vendanges.
  • Alterner, dans la mesure du possible, les rangs utilisés pour le passage des engins les plus lourds : répartir la charge subie par le sol (ex. : pour la pulvérisation).
  • Réaliser un choix de monte pneumatique pertinent et ne pas négliger le réglage de la pression de travail
  • La contamination des sols par les métaux lourds, qui peut conduire à des phénomènes de toxicité, notamment dans les sols acides.

Impact du CC sur le sol et sa gestion

D’après les scénarios de MétéoFrance CNRM/GMGEC, scénario A2, le changement climatique devrait se traduire dans les régions méditerranéennes par une faible diminution des précipitations et une modification de leur répartition (plus importante en automne/hiver et plus rare au printemps/été). Ceci aura pour conséquence un déficit hydrique plus fort et plus long. Il est donc important d’avoir une bonne gestion du sol pour favoriser la rétention d’eau et éviter les ruissellements.

Que faire ?

  • Eviter les ruissellements des fortes pluies
  • Améliorer la perméabilité et la porosité du sol
  • Limiter la compétition pour l’eau

Quelles solutions ?

  • Favoriser la vie des lombrics et vers car leur galeries subverticales permettent l’export de matière organique plus en profondeur et améliore l’aération des sols et l’infiltration de l’eau.
  • Incorporation de matières organiques, pour limiter l’érosion en limitant le ruissellement et également pour limiter le tassement. Les quantités à incorporer dépendent du type de sol et des objectifs de rendement. Il faut faire attention car un excès de matière organique, en particuliers d’azote, peut nuire à la qualité du vin.
  • Le mulch, constitué de produits organiques à rapport C/N élevé, protège le sol de l’érosion, limite le développement des adventices et constitue une ressource trophique pour les organismes vivants du sol.
  • Enherbement naturel maitrisé, détruit avant le stress hydrique estivale en Méditerranée. Couverture du sol limitant le ruissellement et n’entrant pas en compétition pour l’eau l’été. Selon les espèces végétales présentent, les racines peuvent favoriser la perméabilité.

L’enherbement favorise également la stabilité du sol et donc limite l’érosion.

  • L’enherbement hivernal : Des céréales sont semées après les vendanges et sont retournées au printemps. Cela permet de récupérer l’azote disponible à l’automne et d’enrichir le sol en matière organique. Attention au risque de surplus d’azote qui pourrait nuire à la qualité du vin.

La gestion de l’interrang comme adaptation (Lebon, 2014)

Les techniques de gestion de l’inter-rang offrent de multiples possibilités pour améliorer la disponibilité en eau pour la vigne en modulant les différentes composantes du bilan hydrique de la parcelle. Le travail superficiel du sol constitue une technique traditionnelle en zone méditerranéenne qui vise à limiter le flux d’évaporation et la concurrence des adventices. Moins développées en région méditerranéenne, les techniques d’enherbement, en expansion dans la plupart des vignobles européens, offrent des possibilités intéressantes pour limiter la vigueur printanière de la vigne et ses besoins en eau, améliorer la recharge hydrique hivernale du sol, favoriser par effet de compétition, une redistribution de l’enracinement en profondeur et un accès à des réserves hydriques profondes (Celette et al., 2008, 2013). Les résultats expérimentaux montrent que ces bénéfices compensent, en région méditerranéenne et sur sols profonds, l’essentiel des pertes en eau induites par la transpiration printanière du couvert herbacé. Les travaux actuels de modélisation des dynamiques couplées de l’eau de de l’azote offrent la possibilité de concevoir des systèmes adaptés à différentes gammes d’environnement (Celette et al., 2010 ; Ripoche et al., 2010).

Comment la gestion du sol peut avoir un rôle dans l’atténuation du CC ? Le stockage du carbone

La vigne étant une culture pérenne, le stockage induit par la végétation en place et le système racinaire est intéressant, mais les restitutions organiques au sol sont relativement faibles. Les pratiques culturales favorables au stockage du carbone sont celles qui augmentent les entrées de matière organique ou qui limitent les sorties. Plus la production de la culture est importante, plus le stockage dans les parties aériennes et les racines l’est également. On peut dire qu’il y a déstockage de carbone par le travail du sol, car accélère la minéralisation de la matière organique. L’abandon du labour et la présence d’enherbement dans les vignes permettent en revanche de combiner l’augmentation des entrées par le captage de carbone du couvert végétal et les restitutions au sol (tontes non récoltées).

La maitrise des coûts de gestion du sol : durabilité de l’exploitation

La gestion du sol avec moins d’herbicides disponibles engendre un temps de travail et des coûts souvent supérieurs ; il faut donc s’assurer que cela reste gérable pour les exploitants, tant du point de vue de l’organisation du travail que sur le plan purement économique. Une étude de Sudvinbio et l’IFV ont montré des leviers facilement mobilisables pour faire des économies de GNR :

Source des infographies: CONSTANT N. (SudVinBio), AUVERGNE C. et FORTIN N. (chambre d'agriculture de l'Hérault), COLIN E. (Fr Cuma) et GAVIGLIO C. (IFV), Novembre 2019. VITICULTURE BIOLOGIQUE - L’entretien du sol: Réduire les coûts de production et la consommation en énergies fossiles. 

Des outils d’aide à la décision existent pour évaluer le coût de différents choix en matière d’entretien du sol.

  • Viticoût® : création de l’IFV Sud-Ouest, ce logiciel accessible à tous sur Internet permet d’estimer et de comparer des coûts pour l’ensemble de l’itinéraire de production, afin de situer l’entretien du sol dans un contexte de mécanisation plus large.
  • Le site de Philagro : (http://jentretiensmavigne.fr) concentré uniquement sur l’entretien du sol, permet, à partir de choix simples (région, matériel disponible), de comparer et de person-naliser différents itinéraires d’entretien du sol.
  • L'AOP Languedoc propose un grille de comparaison des coûts du désherbage mécanique et chimique dans sa fiche pratique "Préserver les sols"

 

Auteur : Maddy Tintinger

Relecture : Fabrice Vinatier

References :

Celette F., Gaudin R., Gary C., 2008. Spatial and temporal changes to the water regime of a Mediterranean vineyard due to the adoption of cover cropping. European Journal of Agronomy 29, 153-162.

Celette F., Ripoche A., Gary C., 2010. WaLIS-A simple model to simulate water partitioning in a crop association: The example of an intercropped vineyard. Agricultural Water Management 97, 1749-1759.

Celette F., Gary C., 2013. Dynamics of water and nitrogen stress along the grapevine cycle as affected by cover cropping. European Journal of Agronomy 45, 142-152.

Institut français de la vigne et du vin, Gaviglio, C., 2013. Gestion des sols viticoles. Ed. France agricole, Paris.

Lebon, Eric & Garcia de Cortazar-Atauri, Iñaki, 2014. Dans un contexte de changement climatique, quels sont les impacts de la sécheresse sur la vigne et sur le devenir des vignobles ? L'exemple du Languedoc. Innovations Agronomiques, INRA, 38, pp.1-12. hal-02630183 https://hal.inrae.fr/hal-02630183/document

Ripoche A., Celette F., Cinna J.P., Gary C., 2010. Design of intercrop management plans to fulfil production and environmental objectives in vineyards. European Journal of Agronomy 32, 30-39

 

D’autres réferences possibles :

 

Leonard, J., & Andrieux, P. (1998). Infiltration characteristics of soils in Mediterranean vineyards in Southern France. Catena, 32(3–4), 209–223. https://doi.org/10.1016/S0341-8162(98)00049-6

 

Raclot, D., Le Bissonnais, Y., Louchart, X., Andrieux, P., Moussa, R., & Voltz, M. (2009). Soil tillage and scale effects on erosion from fields to catchment in a Mediterranean vineyard area. Agriculture, Ecosystems and Environment, 134(3–4), 201–210. https://doi.org/10.1016/j.agee.2009.06.019

 

 

 

A préciser, notamment vis a vis du changement climatique et des conséquences sur les régimes de précipitation

 

Autres refs sur l’effet du tassement sur la porosité du sol :

Holland, J. M. (2004). The environmental consequences of adopting conservation tillage in Europe: Reviewing the evidence. Agriculture, Ecosystems and Environment, 103(1), 1–25. https://doi.org/10.1016/j.agee.2003.12.018

Hill, R. L., & Meza-Montalvo, M. (1990). Long-Term Wheel Traffic Effects on Soil Physical Properties under Different Tillage Systems. Soil Science Society of America Journal, 54(3), 865–870. https://doi.org/10.2136/sssaj1990.03615995005400030042x

Meek, B. D., Rechel, E. R., Carter, L. M., Detar, W. R., & Urie, A. L. (1992). Infiltration rate of a sandy loam soil: effects of traffic, tillage, and plant roots. Soil Science Society of America Journal, 56(3), 908–913. https://doi.org/10.2136/sssaj1992.03615995005600030038x

Alvarez, R., & Steinbach, H. S. (2009). A review of the effects of tillage systems on some soil physical properties, water content, nitrate availability and crops yield in the Argentine Pampas. Soil and Tillage Research, 104(1), 1–15. https://doi.org/10.1016/j.still.2009.02.005

Young, I. M. (1992). Hardsetting soils in the UK. Soil and Tillage Research, 25(2–3), 187–193. https://doi.org/10.1016/0167-1987(92)90110-W


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